8 mars 2018…
Maintenant nous y sommes. Les combats féministes des derniers siècles menés par les femmes, appuyées parfois par leurs alliés, ont porté leurs fruits, notamment dans le monde du travail. Les femmes ont en effet investi le marché de l’emploi rémunéré et le partagent avec les hommes. Nous sommes (presque) partout.
(Bon, cet élan victorieux tombe un peu à plat parce que ce n’est pas tout à fait vrai, nous le savons très bien. Ce n’est pas encore parfaitement égalitaire puisque de nombreux secteurs sont encore genrés et qu’il se trouve que les secteurs à majorité féminine sont moins bien rémunérés et offrent de moins bonnes conditions de travail que leurs pendants masculins, par exemple.)
Question quizz! Selon vous, de quelle proportion d’hommes et de femmes est composé le corps professoral du Collège de Maisonneuve? (Réponse dans le prochain article!) |
Recentrons donc notre élan victorieux sur notre milieu de travail, celui de l’enseignement collégial. Il s’agit d’une profession pour laquelle l’accès est égalitaire, où les professeures et les professeurs sont traités équitablement, on sera d’accord là-dessus. Si l’accès est gagné, que peut-on demander de plus?
Et bien, si le premier coup d’œil suggère que les hommes et les femmes sont égaux dans cette profession, un examen plus approfondi fait voler en éclats cette image : il demeure certains angles morts qui maintiennent une inégalité de fait dans notre milieu de travail.
C’est à ces angles morts que nous devons nous attaquer maintenant.
À quoi sont dus ces angles morts?
Bien que nous tentions de combattre la différenciation des genres[1] dans notre société, cette différenciation existe bel et bien dans notre culture. La reconnaître ne suffit pas à l’éradiquer. Il faut prendre conscience que cette différenciation des genres a des conséquences jusque dans notre milieu de travail. Est-il encore question de conciliation travail-famille? Certes, mais de bien d’autres choses encore qui doivent être considérées sous l’angle des femmes. On peut nommer le rapport au pouvoir, le harcèlement, la charge mentale, la présence des femmes dans le discours écrit et oral, entre autres.
Le plan? Occuper pleinement ce milieu de travail sans que les particularités propres aux femmes soient gommées. Faire en sorte qu’à travail égal, les deux genres reçoivent une reconnaissance ouverte et éclairée des particularités (encore) genrées de notre culture. Et le syndicat des professeures et professeurs du Collège de Maisonneuve a un rôle à jouer dans la mise en œuvre de ce plan.
Inclure les femmes et leur parole dans la réalité syndicale
Le syndicat a comme devoir de s’assurer que la présence des femmes dans leur milieu de travail soit pleine et entière, visible et reconnue.
Il s’agit d’abord d’entendre leur parole et de la valoriser. En ouvrant des espaces de discussion sur des enjeux qui touchent plus particulièrement les femmes, on s’assure que ce qui les préoccupe et qui a un impact sur leur travail soit tenu en compte. Dans cette optique, il serait intéressant d’essayer les groupes de discussion non-mixtes et examiner sérieusement la notion d’espace sécurisé[2] et la mettre en pratique. Entendre les femmes, c’est installer durablement une pratique d’alternance de parole homme/femme dans les assemblées et appliquer cette alternance dans les présidences d’assemblée.
La présence de fait des femmes doit en plus être perceptible dans le discours, c’est-à-dire qu’elles doivent être nommées. Il existe des principes d’écriture inclusive que nous pouvons adopter pour rendre compte de la présence effective des femmes dans leur milieu de travail[3].
Réfléchir aux inégalités et les combattre
Le syndicat doit aussi s’assurer que différents mécanismes sont mis en place pour que les femmes qui vivent des situations où elles sont défavorisées à cause de leur genre soient corrigées. Ou éradiquées avant qu’elles n’aient lieu.
Par exemple, la violence sexuelle est une question sur laquelle doit travailler le syndicat. Elle peut évidemment s’immiscer en contexte de travail et si l’employeur a son rôle à jouer, il demeure régi par un cadre qui ne s’adapte pas toujours à la réalité. Le syndicat, de son côté, peut intervenir sur le plan de l’accompagnement, de la sensibilisation et de la prévention.
Il reste aussi des progrès à accomplir dans la conciliation travail-famille. La pratique des politiques gouvernementales et de celles de notre employeur ont en effet permis de mettre au jour certains défauts à corriger. De plus, ces politiques devraient couvrir un plus large spectre : il faut faire bénéficier de ces acquis les aidant-es naturel-les, souvent des femmes.
Ce texte se veut une introduction à une série qui se propose d’examiner les différentes idées qui ont été brièvement évoquées ici. Il s’agira donc d’explorer certains aspects du féminisme avec l’objectif de continuer à construire un milieu de travail plus intéressant pour tous et toutes en réduisant les angles morts qui maintiennent l’inégalité entre les genres. Il faut en effet cesser de percevoir les combats des femmes comme un mouvement corporatiste qui ne profiterait qu’à elles : nous le savons maintenant d’expérience, toutes les luttes gagnées par les femmes et leurs alliés ont fait avancer la société. Toute la société.
Isabelle Rivet
Département de lettres
Vice-présidente aux affaires pédagogiques SPPCM
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[1] Il s’agit de la différenciation culturelle qui a cours dans une société où on attribue des caractéristiques propres aux filles différentes de celles des garçons (autres que les caractéristiques biologiques comme le système reproducteur). Par exemple, ce construit culturel suppose que les filles ont plus d’empathie que les garçons : en renforçant ce trait ou en le présupposant comme inné chez la fille, on façonne son identité de genre féminin.
[2] Il s’agit du terme français pour safe space, plus largement utilisé. Certain-es proposent aussi «zone neutre». L’espace sécurisé permet de tenir des discussions où tous-tes les intervenant-es se sentent écouté-es sans risque d’intimidation, sans que leur parole ne soit dévalorisée ou remise en doute. C’est un espace où la parole est libre et respectueuse.
[3] Les principes d’écriture inclusive sont utilisés dans le présent texte. Je n’ai donc pas eu à avertir mes lecteurs-trices par cette formule courante : «Le masculin est utilisé dans ce texte par souci d’en alléger la lecture.» Je ne crois cependant pas l’avoir «alourdi» en nommant les femmes…