Les exigences pédagogiques de maîtrise de la langue d’enseignement, alliées à la préoccupation traditionnelle de la qualité et même de la survie du français au Québec, ont fait naître dans les établissements collégiaux les centres d’aide en français. Présents dans presque toutes les institutions du réseau, ces centres occupent une place à part dans les collèges, entre autres parce que leur mission s’adresse à toute la communauté estudiantine plutôt qu’aux élèves de certains cours ou programmes comme c’est le cas pour les autres centres d’aide qui sont rattachés à leurs départements spécifiques. Cette réalité s’incarne d’ailleurs dans le fait que ces centres ont leur propre congrès annuel, l’Intercaf, qui en sera à sa 34e édition cette année. Et de tous les collèges, Maisonneuve peut se vanter d’avoir un des plus grands centres d’aide en français, L’Accord.
Bien que L’Accord jouisse d’une bonne reconnaissance dans la communauté maisonneuvienne, peu sont ceux et celles qui connaissent vraiment toute l’étendue de la mission du centre et du travail qui s’y effectue. Le présent article se veut donc un bref survol de notre centre d’aide en français, un état des lieux actuel.
Organisation et gestion de L’Accord
Deux enseignant.e.s assurent la gestion de L’Accord et, même si aucune règle formelle n’existe à ce sujet, on s’attend à ce que les membres du département de lettres qui s’engagent dans cette mission le fassent pour une période d’au moins trois, quatre, voire cinq ans, tant les tâches sont complexes mais aussi parce que les projets, développés à moyen et long termes, l’exigent. Les enseignant.e.s responsables de L’Accord se partagent un ETC généralement à raison de deux tiers / un tiers, soit environ 24 heures/semaine pour l’un.e et 12 heures/semaine pour l’autre, le reste de la tâche individuelle étant complété par l’enseignement. Ce sont donc un minimum de 36 heures par semaine de présence enseignante qui sont consacrées à la gestion et à la coordination de L’Accord ainsi qu’aux responsabilités pédagogiques qui s’y rattachent, sans compter les heures supplémentaires récurrentes!
L’Accord : une véritable PME
La supervision du personnel
Les responsables de L’Accord font d’abord et avant tout un énorme travail de gestion des ressources humaines, puisqu’elles gèrent de 50 à 75 tuteurs par session, dans un centre ouvert de 9 h à 17 h. En effet, ce service emploie deux catégories de tuteurs et tutrices : des assistant.e.s universitaires au niveau de la maîtrise ou du doctorat (de 20 à 25) et des monitrices et moniteurs (un groupe de 25 à l’hiver et deux groupes de 25 à l’automne, pour un total de 50). Les assistant.e.s universitaires encadrent des élèves d’un à trois jours par semaine, à raison de 6 tutorats par jour. Ces tuteurs et tutrices universitaires se dédient à l’encadrement de cas plus lourds : étudiant.e.s allophones, SAIDE, adultes, etc.
Les monitrices et moniteurs, quant à eux, font partie du cours de monitorat et sont sélectionné.e.s parmi les meilleur.e.s élèves en français du Collège. Il est à noter aussi que l’embauche et la gestion de la paye des tutrices et tuteurs universitaires incombent aux responsables de L’Accord, ainsi que toutes les étapes de vérification de présences. Et, pour terminer, il ne faut pas négliger l’aspect informatique de la tâche : les jumelages sont en effet informatisés et tout le personnel travaille avec un logiciel, Octopuce, qui comprend trois plateformes : celle du tuteur et de la tutrice (tous les rapports quotidiens de tutorat sont entrés au fur et à mesure dans cette interface), celle des gestionnaires (jumelages, accès aux statistiques et aux rapports de chaque élève suivi.e), et celle du site de L’Accord (pour les inscriptions, entre autres, qui se font en ligne).
La supervision des tutorats
Chaque session, L’Accord accueille en moyenne 315 élèves qui participeront à un peu plus de 2300 rencontres en tutorat. Les deux enseignant.e.s sont, en plus de leurs tâches de gestionnaires, responsables de l’encadrement des tuteurs et tutrices sur le plan grammatical. Mais en quoi consistent les tutorats? Il s’agit de rencontres hebdomadaires fixes de 50 minutes au cours desquelles les tuteurs et tutrices aident l’élève à corriger la rédaction qu’il a faite pour la rencontre. Chaque semaine, l’élève apporte donc un nouveau texte et la correction de son texte qu’il a travaillé en tutorat la semaine précédente. Cette correction se fait à l’aide d’un code de correction assez simple et le but des rencontres est de donner de l’autonomie à l’élève et de l’aider à développer des réflexes d’autocorrection.
Pour ce faire, le tuteur ou la tutrice lui fournit des explications pour chacune de ses erreurs et lui donne quelques documents théoriques et parfois des exercices pour consolider telle ou telle notion. Le contenu de chaque rencontre est noté dans le logiciel de travail utilisé, Octopuce, et la fréquence d’erreurs de chaque texte est inscrite, ce qui permet de constater au fil de la session l’amélioration de chaque élève. Les responsables non seulement supervisent les absences et les présences, mais donnent aussi des conseils pédagogiques et de l’aide grammaticale aux moniteurs et monitrices, qui en sont à leurs premières armes dans l’aide grammaticale.
Les tâches connexes
En plus d’agir comme personnes ressources en ce qui a trait à l’encadrement des tuteurs et tutrices sur le plan grammatical, les responsables du centre assument de multiples responsabilités de gestion au quotidien, qui sont très exigeantes.
En effet, la supervision des jumelages entre élèves et moniteurs et monitrices, des absences des élèves ainsi que des expulsions fait partie des tâches de gestion des opérations assurées par les responsables. Il leur faut également s’occuper des multiples opérations de communication (envoi de courriels, MIO, appels téléphoniques), du soutien à la logistique, du soutien informatique aux relations interpersonnelles (entre élèves et moniteurs/monitrices). Il faut évidemment souligner aussi le côté humain de l’organisation : toutes ces rencontres impliquent leur lot de tensions et de frictions qui commandent à leur tour d’être prises en charge par les responsables
Et, pour terminer, précisons que la supervision de L’Accord intègre aussi deux projets parallèles : le tutorat de soir qui est offert à la Formation continue (L’Accord est maintenant ouvert 3 soirs, du lundi au mercredi) et le perfectionnement du personnel, qui est offert aux employé.e.s qui ont une annexe à leur contrat suite à un échec à leur test d’embauche en français. On peut donc voir combien les responsabilités liées à L’Accord sont complexes et variées.
L’Accord : une pépinière à projets!
Avec les années, L’Accord a pris sous son aile une foule de projets d’aide à la réussite développés par des professeur.e.s du département de lettres.
Les ateliers de préparation à l’ÉUF et la simulation de l’ÉUF
Deux des projets pérennisés à L’Accord qui sont des mesures d’aide à la réussite fort appréciables ont été mis de l’avant par des enseignant.e.s : des ateliers de préparation à l’Épreuve uniforme de français (ÉUF) et une simulation de l’ÉUF. Les ateliers ont été développés déjà il y a une vingtaine d’années. Ces six ateliers de préparation à l’ÉUF sont donnés tant de jours que de soirs par des correcteurs et correctrices de l’ÉUF. Ils permettent de préparer les élèves à réussir leur Épreuve ministérielle. En effet, certain.e.s souffrent sans doute d’insécurité (même si leurs enseignant.e.s du dernier cours de français de la séquence les y ont préparé.e.s!), mais d’autres n’ont pas un cheminement régulier et n’ont pas suivi ce cours porteur de l’Épreuve. Cela permet donc de pallier ce problème et d’offrir une aide adéquate à l’ensemble des élèves.
Quant à elle, la simulation, que l’on offre depuis 2013, a été conçue et développée par Catherine Papillon, enseignante de lettres, en 2012 et elle est pérennisée depuis. Il s’agit d’un exercice qui a lieu un samedi par session, après les ateliers, et qui place les élèves dans un contexte analogue à celui de l’Épreuve (même temps, mêmes outils, mêmes sujets, mêmes cahiers de rédaction). Les simulations sont corrigées par un correcteur ou une correctrice de l’ÉUF, qui offre ensuite un retour de groupe et des retours individuels avant l’ÉUF.
Objectif 30 et Pareuf
Lelia Tabard est une enseignante de lettres très active dans l’aide à la réussite et qui a chapeauté plusieurs projets d’aide à la réussite ayant eu un impact sur L’Accord, dont celui d’aide aux élèves avec des besoins particuliers (EESH). Elle a développé depuis un an un nouveau projet pour aider les élèves ayant un cheminement particulier (formation continue, RAC, etc.) à réussir leur Épreuve. Ces élèves, qui ont été ciblé.e.s dans le rapport interne de 2017-2018 sur L’évaluation des mesures d’aide à l’ÉUF comme ayant des difficultés à réussir l‘ÉUF, sont encadré.e.s par cette enseignante d’une façon individuelle et on les incite à s’inscrire à L’Accord dès le début de leur parcours. Objectif 30 (l’objectif d’une faute aux 30 mots ou moins) cible cette catégorie d’élèves dès le début de leur programme (en DEC intensif au régulier ou à la formation continue).
Pareuf (« Programme d’aide à la reprise de l’ÉUF »), quant à lui, cible les élèves de ce même profil ayant échoué à l’ÉUF au critère de la langue. Il s’agit de repérer ces élèves et de les accompagner individuellement jusqu’à leur inscription à L’Accord. Ces deux projets novateurs devraient être intégrés au fonctionnement de L’Accord dès l’an prochain.
La banque de documents sur SHAREPOINT
Un projet récent portant sur la banque de documents de L’Accord a, quant à lui, été développé par Michèle Frémont, coresponsable du centre depuis quelques années. Les élèves qui fréquentent L’Accord constituent maintenant un ensemble très diversifié puisque plus de 50 % d’entre eux n’ont pas le français comme langue maternelle et ont des difficultés reliées à la maîtrise du français langue seconde. Or, notre banque de documents théoriques et d’exercices, jusqu’à tout récemment, était dédiée aux élèves francophones. Il s’est donc agi de produire et d’intégrer de très nombreux documents de langue seconde et, ce faisant, de refaire toute la classification des documents pour les intégrer. On retrouve même dans cette banque une catégorie de documents destinés aux élèves arabophones et hispanophones, de même que tous les anciens sujets de l’ÉUF.
Le caractère novateur provient du fait que tous les documents classifiés à partir d’un plan simple, tant la théorie que les exercices (maintenant classés par niveaux), peuvent être feuilletés à l’écran (on n’a pas besoin de les ouvrir comme tels pour y jeter un coup d’oeil) et sont accessibles du bout des doigts et de partout par les enseignant.e.s, les élèves et les tuteurs et tutrices. On peut donc dire que, maintenant, L’Accord est sans doute le centre d’aide le plus avancé sur ce plan. Il semble que cette banque de ressources sera bientôt accessible à tous et à toutes, à partir d’un lien, sur le site du Collège.
Les projets en développement impliquant les élèves du cours de monitorat
À l’automne 2017, sous la supervision d’Héloïse Masse, professeure du cours de monitorat, et aussi coresponsable du centre, les élèves des deux groupes de monitorat ont mené une étude de marché au sujet des services d’aide en français offerts par le Collège. Quatorze équipes se sont appliquées à la tâche pour interroger 280 répondant.e.s, enseignant.e.s comme élèves. Entre autres résultats, il en est ressorti qu’il n’y a pas d’aide pour ceux et celles qui n’ont besoin que d’un coup de pouce ponctuel, comme une consultation d’une heure sans inscription. C’est dans cette optique qu’ont été pensés le Club des ex et les brigades volantes. Ce projet, actuellement en développement, ne verra sa pérennité assurée qu’en s’arrimant aux services de L’Accord.
Le Club des ex
Le Club des ex est lié entre autres au projet de « Clinique sans rendez-vous », dont l’objectif est d’offrir aux élèves qui en ressentent le besoin des rencontres ponctuelles à l’extérieur du local de L’Accord, le centre fonctionnant à pleine capacité durant les sessions. Ce projet est en développement actuellement et sera sans doute consolidé l’an prochain. Ainsi, on pourrait occuper une table du Vivoir, un coin du jardin intérieur ou de tout autre endroit visible et bénéficiant d’une bonne affluence d’élèves pour y placer une ou deux tables et assurer la présence d’ex-moniteurs et monitrices ayant complété leur formation lors de leur session de monitorat et ayant encadré des élèves en difficulté au Centre d’aide une session durant. L’idée du Club des ex est de permettre aux ex-moniteurs et monitrices qui demeurent au Collège pendant encore une, deux ou trois sessions d’utiliser leurs connaissances et leur expérience après leur session de monitorat et à l’extérieur des murs de L’Accord, ce qui a pour avantage également de participer au rayonnement du centre à l’intérieur du Collège. Pour les élèves qui accepteraient de donner du temps à la « Clinique sans rendez-vous », les heures consacrées pourraient être comptabilisées en bénévolat afin d’obtenir une mention au bulletin dans le cadre de la « Reconnaissance de l’engagement étudiant au collégial ».
Les Brigades volantes
Le Club des ex pourrait aussi s’occuper des brigades volantes. Ce projet a déjà été testé lors des dernières sessions et a suscité beaucoup d’enthousiasme. Il s’agit d’offrir à tout le corps enseignant la possibilité d’accueillir dans les classes en cours de session des moniteurs et monitrices pour aider ponctuellement les élèves à rédiger et corriger leurs travaux selon les exigences spécifiques du cours. Plusieurs enseignant.e.s de départements variés se sont prévalu.e.s de ce service et tant eux et elles que leurs élèves ont grandement apprécié cette aide ciblée. Le but pour l’avenir serait donc de rendre ce service permanent et d’en assurer le fonctionnement grâce aux ex-moniteurs et monitrices.
De L’Accord ou de la mise en lumière de l’entraide
Il se passe de belles choses à L’Accord. Ceux et celles qui ont eu recours à ses services notent une réelle amélioration de leur maîtrise de la langue, apprécient la compétence du personnel et sont séduit.e.s par l’attrait du jumelage ; pour qualifier le centre, les élèves qui le fréquentent utilisent les mots « amitié », « coopération », « confiance » et « entraide ». Peut-être est-ce là le plus beau succès du centre : l’empathie et le dévouement des tutrices et des tuteurs universitaires, la réunion par le jumelage des élèves forts à des élèves faibles, tous ces aspects font du local D-5646 un lieu d’accomplissement de soi, peu importe qu’on y vienne pour aider ou pour recevoir de l’aide.
Texte de Marc LeBlanc, département de Lettres
avec la collaboration de Michèle Frémont
et d’Héloïse Masse, professeures au département de Lettres
et responsables de L’Accord.
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