Crédit photo: Matthew Henry Burst

Parmi tous les bouleversements du calendrier de la session dernière, celui des revendications liées à la rémunération des stages a suscité bien des débats. Les échanges en bureau syndical et en assemblée générale ont vite fait de nous démontrer que peu d’information a circulé entre des associations étudiantes, et plus particulièrement des CUTE (Comités unitaires sur le travail étudiant) et les instances syndicales locales et les professeurs-es à ce sujet.

Devant la perspective d’une autre grève à la session d’hiver, il est important de nous informer davantage sur ce qui, au-delà des revendications des étudiants-es, revêt des enjeux sociaux importants.

Les Comités unitaires sur le travail étudiant (CUTE) militent au-delà des instances syndicales étudiantes depuis plus de deux ans maintenant pour la pleine reconnaissance du travail étudiant. Cette lutte revêt un caractère historique particulier. En effet, ils sous-tendent une reconfiguration des centres de mobilisation étudiante après l’implosion de la mobilisation étudiante suite au printemps 2012. Ils déploient également une perspective féministe :  les stages rémunérés étant à prédominance masculins[1], et les stages non-rémunérés, surtout en sciences humaines et dans les métiers qualifiés de « caring » (soins infirmiers, enseignement préscolaire et primaire, techniques sociales, etc.), à prédominance féminins, cette lutte implique une dimension féministe réelle.

Le CUTE revendique le statut d’emploi pour les stagiaires pour différentes raisons :

– Le statut d’emploi permettrait la pleine légitimité et une reconnaissance visible du travail étudiant effectué par les étudiants-es dans leurs milieux de stage;

– Il aplanirait les inégalités de traitement entre les stagiaires, notamment au niveau des salaires et avantages sociaux (ex.: congés de maladie) qui sont offerts à certains et non à d’autres. On souhaite que tous-tes les étudiants-es soient couverts;

– Les stages non-rémunérés sont occupés souvent par des étudiants-es parents, adultes effectuant un retour aux études ou issus de l’immigration, étudiants-es vulnérables à qui un statut d’emploi pourrait être important tant pour leur qualité de vie que pour leur persévérance scolaire ainsi qu’une meilleure intégration au marché du travail;

– Il amène la possibilité de négocier ses conditions de travail, voire même de se syndiquer;

– L’absence d’un statut universel et formel des étudiants-es stagiaires les rend vulnérables au harcèlement psychologique et sexuel, aux accidents de travail ou à toute protection en cas de maladie.

Pourquoi un salaire pour un-e stagiaire? Les organismes étudiants en faveur de la rémunération des stages ne souhaitent pas seulement une compensation rémunérée pour les stages, qui ne serait pas reconnue par les lois des normes du travail, d’autant plus que cette compensation devra être renégociée, comme c’est le cas pour les étudiants-es de 3e cycle universitaire en psychologie. Ils souhaitent la reconnaissance que le stagiaire fait du travail et intégrer ces derniers aux normes du travail, ce qui peut contribuer à protéger leurs droits et réduire le « cheap labor » qui peut survenir dans certains contextes de stage non-rémunérés.

Les CUTE s’intéresse à tous les stages et ne veut pas faire la distinction entre les stages d’observation et les autres formes de stages parce que d’une part, que la différence entre les stages d’observation et les autres n’est pas claire et que d’autre part, chaque stage fait partie de la formation et servira à former l’employé de demain. En fait, la raison principale donnée est que TOUT travail mérite une rémunération. Il serait peut-être intéressant de préciser que de plus en plus de programmes exigent des stages et de plus en plus longs, mais les critères varient grandement. Ça dépend principalement de l’entreprise où est fait le stage. Cela ne correspond souvent même pas à ce qui est exigé des Ordres professionnels. Aussi, on s’attend à ce que les étudiants, du jour ou lendemain, c’est-à-dire le jour ou le diplôme est obtenu, soient fonctionnels et n’aient pas besoin de soutien, comme ce serait le cas en enseignement.

Au fédéral, le gouvernement libéral avait fait la promesse en campagne électorale d’éliminer les stages non rémunérés sauf lorsque le programme d’études l’interdit, promesse reportée aux prochaines élections. Le gouvernement enfreindrait d’ailleurs sa propre loi car certains ministères ne paient pas leurs stagiaires alors qu’ils le devraient!

Au niveau provincial, la situation est qualifiée de « fouillis total » selon les représentants du CUTE rencontrés à la soirée du CCMM le 12 novembre dernier. Il n’existe pas de définition claire selon PQ et QS de ce qu’est un stagiaire.

Pour le nouveau gouvernement de la CAQ, le stage doit avoir une évaluation et une durée précise. La prise en charge d’un stagiaire pourrait être critère de financement. La CAQ souhaite un chantier d’étude sur le financement stages et a fait récemment des annonces en ce sens.  Si les associations étudiantes semblaient encouragées lors de leur rencontre du 19 janvier dernier, les CUTE maintiennent la pression et laissent planer la possibilité d’une grève générale illimitée tant que de véritables gains n’auront pas été faits en ce sens.

À la session d’automne, l’assemblée générale du SPPCM ainsi que la FNEEQ ont donné un appui de principe à la lutte pour la revendication de stages rémunérés.  Le CCMM-CSN a emboité le pas lors de leur assemblée générale du 30 janvier.  Les professeurs de l’UQAM, les chargés de cours de l’UdeM et de l’UQAM ont appuyé également les revendications des étudiants-es.

[1] Par exemple, selon une représentante du syndicat des employés techniques de la presse, en informatique, les stages sont souvent payés 18$/h ou plus. Source : Assemblée générale du CCMM-CSN, 30 janvier 2019.

Ann Comtois
VP à l’information et à la mobilisation
SPPCM

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Références :

– Présentation de membres de l’exécutif de l’association étudiante :
          Bureau syndical du 25 octobre 2018,
          AG du 6 novembre 2018,

– Rencontre d’information du CCMM sur la rémunération des stages, le 12 novembre 2018

– Assemblée générale du CCMM, 30 janvier 2019

– CUTE Magazine. Revue d’organisation des Comités unitaires sur le Travail Étudiant, numéro 4, automne 2018.

– Dissidents-es : https://dissident.es/la-greve-des-stages-poursuite-dune-lutte-internationale/

– La Presse Canadienne (19 janvier 2019) « Le ministre Roberge promet de revoir l’encadrement des stages », Ici Radio-Canada [en ligne]https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1147855/gouvernement-quebec-stages-remuneration-etudiants-greve