Quand vient le temps des négociations, la grève fait partie de la panoplie des moyens de pression devant nous. Cependant les règles du regroupement cégep de la FNEEQ rendent son exercice centralisé.
Il y a bien des moments où la grève est rotative, un groupe d’établissements après l’autre, mais même dans un tel cas, cela relève d’une décision des personnes élues au plus niveau, au sein de la fédération ou de la CSN et, souvent, de l’équipe de coordination du front commun.
En avril 2015, nous avons adopté une proposition pour une journée de grève le 1er mai, grève que nous avons votée selon un processus différent de celui que prévoit le regroupement cégep. Cette journée de grève avait été proposée par nos collègues syndiqué.e.s du Cégep de Sherbrooke. La proposition adoptée par leur assemblée prévoyait que cette grève était conditionnelle à ce que 10 autres syndicats entrent en grève cette journée-là. Le seuil a été atteint et même dépassé. Notons que la proposition adoptée à Maisonneuve utilisait une même mécanique de seuil.
Mais règle générale, il n’est pas possible pour un syndicat de chercher à lancer un mouvement de grève. Tout est pris dans le béton d’une procédure, la règle dite de la double majorité (article 6 b) des Règles de fonctionnement du regroupement) ; cette règle prévoit qu’une proposition est adoptée lorsqu’elle a obtenu la majorité absolue des syndicats affiliés et la majorité simple des membres votant dans les assemblées.
L’article 6b) prévoit que cette procédure de vote est utilisée lorsque vient le temps de voter sur une entente de règlement à la convention. Dans un tel cas, c’est probablement une procédure qui convient très bien. En effet, l’article 6c) prévoit qu’au moment de l’atteinte de la double majorité, le processus de ralliement s’enclenche. Que l’entente soit adoptée ou rejetée par une majorité, il est sage en matière de cohésion de notre groupe syndical qu’il y ait ralliement.
Cependant, la pertinence de cette mécanique de vote pour l’entrée en grève enlève toute flexibilité, toute dynamique à l’utilisation du moyen de pression ultime qu’est la grève. Un document de discussion au sein de la FNEEQ soulevait déjà le problème en 2013. Malheureusement, les constats faits dans ce document n’ont conduit à aucun changement.
Voici ce qu’on peut lire dans le rapport :
« Lorsqu’une assemblée a voté contre la grève et que le mandat de grève est confirmé par la règle de la double majorité, elle doit reprendre le vote à la lumière du mandat obtenu par le regroupement. […] Bien sûr, l’assemblée peut maintenir sa position et refuser d’exercer ce moyen de pression. […] Ce refus, confirmé par une assemblée, a des conséquences politiques indéniables.
« Dans le cas contraire, lorsque l’atteinte de la double majorité n’est pas obtenue par la consultation des assemblées, on doit constater que les syndicats favorables à la grève ont peu de recours pour exprimer leur refus de la décision majoritaire. Bien qu’un syndicat ou quelques-uns puissent exercer ce moyen de pression, en période de négociation, les effets de cette mobilisation risquent d’être peu efficaces. Ainsi, leur ralliement va généralement de soi. »
Il est important, dès maintenant, d’entamer la discussion au sein du regroupement afin que la règle de la double majorité ne s’applique plus aux votes de grève. Il pourrait suffire de rédiger dans les règles de fonctionnement du regroupement un article indiquant que la réunion du regroupement établit un seuil minimal de syndicats (le texte de règlement n’a pas à fixer le nombre) avant qu’une grève soit lancée. Ceci permettrait tantôt l’organisation de grèves rotatives plus souples, bénéficiant de l’énergie que donne une initiative décidée localement, et, en d’autres circonstances, permettrait à une grève de faire boule de neige et de faire croître au fur et à mesure la pression sur le gouvernement.
Jean Sébastien
Département de Lettres